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» Cet home, cette fame escrives le sans s à la diflerance de c’est c’estoit.

» Ainsi, mettes le avec n quand une voyelle suit, et sans n si c’est un consonante ; ainsi marcha, ainsin alla.

» Campaigne espaigne gascouigne etc. mettez un i devant le g come a Montaigne.

» Non pas sans i, campagne, espagne.

» Ne mettez en grande lettre que les noms propres ou au moins ne diversifies pas come en cet examplere que un mesme mot soit tantost en grande lettre, tantost en petite.

» Mettez regles, regler non pas reigles, reigler, suives lorthografe antiene.

» Outre les corrections qui sont en cet exemplere il y a autres infinies à faire de quoi limprimeur se pourra aviser, mais regarder de près aux poincts qui sont en ce stile de grande importance. » « C’est un langage coupé, qu’il n’y espargne les poincts et lettres majuscules. »

Mais la mort surprit Montaigne en 1592, et ces recommandations sont restées manuscrites. Mademoiselle de Gournay les a-t-elle connues ? N’a-t-elle pas voulu en tenir compte ? On ne saurait l’affirmer. Dans tous les cas, malgré tout le respect qu’elle professait pour sont père adoptif, elle dut céder d’abord, en 1595, aux habitudes du temps, plus tard, en 1635, aux instances du cardinal de Richelieu[1] ; aussi a-t-elle apporté certains changements à l’orthographe des Essais, et l’a-t-elle tant soit peu adaptée au goût du siècle.

Les éditeurs qui vinrent ensuite se sont plus ou moins écartés de l’orthographe des premières éditions ; quelques-uns même, et des plus savants, ont pris la peine d’en inventer une nouvelle, et de la faire tout à fait étymologique. C’est un tort ; veut-on garder à un écrivain sa physionomie propre et absolument originale ? Il faut en conserver d’abord l’orthographe. C’est d’autant plus facile pour les Essais, que la Bibliothèque nationale, à Paris, possède l’édition de 1588, et on trouve à la Bibliothèque de la ville de Bordeaux, un exemplaire de la même édition, enrichi de notes écrites par Montaigne lui-même. On a là de quoi se faire une juste

  1. C’est le cardinal de Richelieu qui a payé l’édition de 1635. — Voir la notice bibliographique, n° 13, édit. de 1635.