CHAPITRE III
La première fois que Montaigne livra ses Essais à l’impression, chez Millange, à Bordeaux (1580), il laissa sans doute entière liberté à son imprimeur, car l’orthographe de la première édition et des deux autres qui suivirent s’éloigne, en bien des points, de celle qu’on trouve dans les lettres et les notes qu’il nous a laissées. D’ailleurs, à cette époque, chaque ouvrier avait son système particulier d’orthographe et, sans s’inquiéter de celui de l’auteur, imprimait le plus souvent avec sa manière à lui[1], fréquemment même, il abusait de la liberté qui lui était laissée, et orthographiait les mots tantôt d’une façon, tantôt d’une autre. C’est ce qui est arrivé pour les Essais ; dans les premières éditions surtout, il n’y a rien de fixe ; l’orthographe des mots varie à chaque page ; bien plus, dans la même ligne, les mêmes mots sont souvent écrits tout différemment. Ainsi, dans l’édition de 1582, on lit : amys au bas de la page 614, et amis au haut de la page 615 ; à la 4e ligne de la page 615 : pour alōger sa vie, allongeoit aussi… ; à la 10e ligne (même page : ses amis faisants feste, et à la 11e ligne (id.) : se résiouissans avec luy.
On lit aussi (page 615) : un accidant, et des accidans (page 616) ; ou encore : ayant esté averty (ligne 24e, page 731), et : il en estoit adverty (27e ligne de la même page).
- ↑ C’est du reste ce que savait Montaigne : « Ne te prens point à moy, lecteur, des fautes qui se coulent icy par la fantasie ou inadvertance d’autruy ; chaque main, chaque ouvrier y apporte les siennes. » III, 9.