n’a pas fréquemment recours. Rarement aussi il s’est laissé aller à la mode du jour ; il ne s’est guère servi de ces locutions italiennes que l’on se plaisait alors à introduire dans notre langue, et qu’a blâmées avec tant de force et d’énergie H. Estienne. On ne rencontre, dans les Essais, que le substantif garbe mais il était alors d’un usage fréquent, ou encore quelques adjectifs qui, n’existant pas dans le français, commençaient à s’y implanter, quelques-uns pour rester, comme soldatesque ; la plupart pour disparaître bientôt.
En résumé, voici comment l’on peut définir et caractériser la langue de Montaigne : Si l’on excepte certaines locutions forgées, certaines formes des dialectes du Midi, les mots sont pris en partie aux époques précédentes et à la langue courante du xvie siècle, en partie au latin. Toutefois, il y a dans les Essais, moins de mots importés directement du latin que dans Rabelais, mais plus que dans Pasquier. La syntaxe, avec des allures très libres, est bien plus latine que celle des auteurs du siècle précédent ; elle témoigne d’un mouvement de recul du côté du latin ; néanmoins on peut dire qu’en général, elle se trouve à mi-chemin entre le vieux et le nouveau français, et un examen approfondi des Essais permet de conclure que Montaigne, continuateur des âges antérieurs, sert de transition entre le temps qui finit et le grand siècle qui va commencer. Il semble être un des anneaux de la longue chaîne qui nous rattache aux vieilles traditions, au vrai génie de la race gauloise enté sur le génie latin.