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INTRODUCTION

À quelle source a puisé Montaigne pour écrire ses Essais ? Quel est le caractère de sa langue ?

Au xvie siècle, chacun parlait et écrivait un peu à sa fantaisie ; le dialecte de la province, les connaissances acquises et le plus souvent l’imagination et l’inspiration du moment étaient les seuls guides. Quelques auteurs préféraient s’en tenir au langage du passé ; beaucoup, au contraire, amis du nouveau, allaient en avant, et, novateurs intrépides, ne craignaient pas d’adopter une orthographe, des mots, des tournures et des formes jusque-là inusités. C’est alors qu’on vit les Meigret, les Jacques Pelletier, les Ramus entrer en lice et soutenir les passe-d’armes les plus acerbes et les plus acharnées pour faire triompher l’orthographe qui avait toutes leurs préférences. L’école de Ronsard ne voulut-elle pas bouleverser et refaire le français de fond en comble ? Enfin Henry Estienne dut lutter énergiquement contre le courant de la mode, et dans ses dialogues du français italianisé, réagir avec force contre les importations de plus en plus fréquentes de la langue italienne dans le français. La Renaissance avait enthousiasmé tous les esprits, mais le temps n’avait pas accompli son œuvre, ou plutôt l’œuvre de la modération et du goût. Dans l’engouement que produit toute nouveauté, on ne savait pas encore ce que devait élaguer ou ce que pouvait admettre le génie national. De là tant d’irrégularités dans la grammaire du xvie siècle, de là ce manque d’unité, ces mots écrits, ces phrases agencées, parfois dans le même auteur, d’une manière si diverse.

C’est au milieu de ce chaos d’idées et de réformes que naquit et