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LETTRES

gratuitement accordée, en un temps où vous ne me deviez rien et que je ne la pouvois tenir que de vostre pure inclination. Je serois bien ingrat si je plaignois à cette heure quelques larmes à une personne qui a tant versé de sang pour moy. Il est temps que je souffre à mon tour, et que je vous donne des preuves de mon affection, après en avoir tant receu de la vostre. Mais vous m’estes si bonne qu’il estoit impossible que j’endurasse jamais aucun mal en vostre présence ; et il a esté nécessaire que vous fussiez esloignée, afin que j’eusse lieu de mériter et de souffrir. Enfin, voila, ma M., les pensées avec lesquelles je tasche d’adoucir les plus amers ennuis du monde et de supporter l’absence de la plus accomplie et de la plus charmante personne qui ait jamais esté. Mais, quoyque je puisse faire, je vous avoue que souvent mon courage et ma raison m’abandonnent, et je voy bien que, si vous ne me secourez, je ne pourray pas résister longtemps. Hastez-vous donc de me faire sçavoir de vos nouvelles, asseurez-moi que vous vous portez bien, et commandez-moi de m’affliger moins.

A Madame D. B.
LETTRE XXIV.

Madame, la nuit est passée pour tous les autres hommes, mais elle ne l’est pas encore pour moy,