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rééditées. Il est des hommes que la critique peut toiser hâtivement, mais que la conscience se refuse à étudier à la légère ; Voiture est de ceux-là. Il tient si essentiellement à la première moitié de son siècle, dont il reflète comme un miroir fidèle l’esprit littéraire ; il s’encadre si précieusement dans la belle société d’alors, dont il fut l’ornement ; il évoque tant de souvenirs et se trouve mêlé à des événements si importants et si frivoles à la fois, qu’on ne saurait sans naïveté essayer de portraire de pied en cap et de placer dans la vérité même de sa lumière cette grande figure de poète épistolier aux traits contrariés et fuyants.

Pour nous, vis-à-vis de ce grand prêtre de l’Hôtel de Rambouillet, de ce parfait courtisan, de ce galant ami des femmes les plus illustres du XVIIe siècle, nous éprouvons comme une défaillance, car nous le jugeons si profond et si complexe sous les badinages apparents de son style ; nous entrevoyons dans l’enjouement de sa vie aventureuse de tels mystères de diplomatie et des amitiés puissantes si soudainement écloses à première vue ; nous rencontrons enfin dans ses relations littéraires un esprit de philosophie sociale si heureusement conduit, qu’il nous paraît impossible de fixer dans une simple étude, à l’exemple de nos prédécesseurs, les caractères particuliers et les arêtes les plus saillantes de cette physionomie malicieuse et mobile.

Chez Voiture, l’écrivain ne semble point avoir conscience de lui-même pour lui-même ; c’est un dandy