ans le dessein que j’ay d’honorer la mémoire
d’un oncle que j’estimois infiniment, et dont
le souvenir me sera tousjours précieux, j’ay
crû, lecteur, estre obligé, en te faisant part
de ses escrits, de te dire quelque chose de sa
personne. Que si j’en parle à son avantage,
je te prie de ne me point tenir suspect pour estre son parent,
et de croire au contraire que cette qualité m’oblige d’y apporter
plus de retenue que n’auroit pu faire en cette occasion
le moins passionné de ses amis. Il n’a pas tenu à moy que
je ne sois dispensé de luy rendre un si juste devoir, tant
par mon peu de capacité que pour la répugnance que je
trouvois en moy-mesme à publier la vertu d’un homme de
qui j’estois si proche. Mais je me suis laissé gagner aux persuasions
de ses amis et des miens, qui m’ont fait entendre
qu’en me chargeant du soin de faire voir ses œuvres, je
m’estois engagé à celuy de t’entretenir de son mérite et de
te rendre quelque compte de sa vie. Je diray donc de luy,
avec moins d’ornement et d’artifice que de franchise et de vérité,
tout ce qu’un semblable sujet me peut permettre. Et,
pour te faire une peinture de son ame qui aille au delà de
ce qui t’en peut paroistre dans ses escrits, quelques beautez
et quelques agremens qui s’y rencontrent, j’oseray bien t’asseurer
qu’il avoit en luy beaucoup d’autres qualitez pour le
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