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à venir comme présentes, comptons combien cet homme, que Ton dit qui a ruiné la France, luy a espargné de millions par la seule prise de la Rochelle, laquelle, d’icy à deux mille ans, dans toutes les minoritez des roys, dans tous les mécontentemens des grands et dans toutes les occasions de révoltes, n’eust pas manqué de se rebeller, et nous eust obligez à une éternelle despense. Ce royaume n’avoit que deux sortes d’ennemis qu’il deust craindre : les huguenots et les Espagnols. Monsieur le cardinal, dans les affaires, se mit en l’esprit de ruiner tous les deux. Pouvoit-il former de plus glorieux ni de plus utiles desseins ? Il est venu à bout de l’un, et il n’a pas achevé l’autre ; mais, s’il eust manqué au premier, ceux qui crient à cette heure que c’a esté une resolution téméraire, hors de temps et au dessus de nos forces, que de vouloir attaquer et abbatre celles d’Espagne, et que l’expérience l’a bien montré, n’auroient-ils pas condamné de mesme le dessein de perdre les huguenots ? N’auroient-ils pas dit qu’il ne falloit pas recommencer une entreprise où trois de nos roys avoient manqué, et à laquelle le feu roy n’avoit osé penser ? Et n’eussent-ils pas conclu, aussi faussement qu’ils font encore en cette autre affaire, que la chose n’estoit pas faisable, à cause qu’elle n’auroit pas esté faite ? Mais jugeons, je vous supplie, s’il a tenu à luy ou à la fortune qu’il ne soit venu à bout de ce dessein. Considérons quel chemin il a pris pour cela et quels ressorts il a fait jouer. Voyons s’il s’en est fallu beaucoup qu’il n’ait ren-