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POÉSIES DE VOITURE.

J’étois en repos à Narbonne,
Tristement autant que personne,
S’il faut dire la vérité ;
Mais mon esprit moins agité,
Loin d’espérances et de craintes,
Avoit de moins rudes atteintes.
Que quand je voyois les froideurs,
Les insupportables rigueurs.
Ou l’indifférence, ou la haine.
Ou le fier courroux de Climène,
Au prix duquel est calme et doux
De la mer l’horrible courroux.
Et que je redoute en mon âme
Plus que le fer, ni que la flamme,
Plus que mes brûlantes ardeurs.
Plus que les tourments dont je meurs.
Plus que toute autre violence.
Et même plus que son absence.
Ainsi loin de ces déplaisirs.
Si je jetois quelques soupirs,
C’étoit d’être loin de la belle.
Et non pas pour me plaindre d’elle ;
Et si je vivois tristement.
Au moins je vivois doucement.
Mais votre malheureuse lettre,
Que vous m’avez écrite en mètre[1].
Et certes si disertement
Et si malicieusement
Qu’on voit bien, tant elle est complète,
Que c’est le diable qui l’a faite,
Est venue avec ses propos
Troubler ici tout mon repos,
M’a fait connoître en sa peinture
Ma triste et funeste aventure,

  1. Var. En maître : le mot est mis à dessein pour faire équivoque.