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POÉSIES DE VOITURE.
XVIII.
[Vers 1620[1].]

Il faut finir mes jours en l’amour d’Uranie :
L’absence ni le temps ne m’en sauroient guérir.
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir,
Ni qui sut rappeler ma liberté bannie.

  1. Voyez la Dissertation de Balzac sur ce sujet (in-folio, t. II, p. 580). C’est le fameux sonnet d’Uranie qui donna lieu plus tard à la dispute des Uranistes et des Jobelins, après la publication du sonnet de Job, par Benserade (1647). Voici ce sonnet :

    Job de mille tourments atteint
    Vous rendra sa douleur connue,
    Et raisonnablement il craint
    Que vous n’en soyez point émue.

    Vous verrez sa misère nue ;
    n s’est lui-même ici dépeint :
    Accoutumez-vous à la vue
    D’un homme qui souffre et se plaint.

    Bien qu’il eût d’extrêmes souffrances.
    On voit aller des patiences
    Plus loin que la sienne n’alla :

    Il souffrit des maux incroyables ;
    Il s’en plaignit ; il en parla :
    J’en connois de plus misérables.

    Les sonnets de Voiture et de Benserade partagèrent la cour et la ville, les salons et l’Académie, jusqu’à ce que la faveur décidée de Mme de Longueville fît pencher la balance du côté des Uranistes (Voyez Cousin, Madame de Longueville, p. 328). Cela donna lieu à un grand nombre de madrigaux : en voici un que je crois inédit :

    Permettez, princesse adorable,
    Que pour Job je sois aujourd’hui :
    Car chacun aime son semblable.
    Et je suis, loin de vous, malheureux comme lui.

    (Belles-Lettres françaises, à la Bibliothèque de l’Arsenal, mss, 151, t. I, p. 711).