Page:Voisenon - Œuvres complètes, romans et contes, première partie, 1781.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

frappantes. La Reine en fit la malheureuse épreuve : elle se plongea dans la fontaine avec confiance ; elle fut confondue, lorsqu’en sortant elle se vit si bien meublée ; elle reconnut tous ses amis. Elle fit l’impossible pour les effacer de là, comme ils l’étoient de son cœur ; plus elle se baignoit, plus les couleurs devenoient vives : les proportions étoient gardées, tous les dessins exacts, les nuances bien ménagées ; c’étoient autant de chef-d’œuvres de peinture. La Reine, qui n’étoit pas connoisseuse, ne sentit point tout le prix de ce nouveau mérite : elle questionna sa fille ; elle s’étonnoit qu’elle n’eût pas le portrait du grand Instituteur : mais comme la Princesse l’avoit reçu par nécessité, il n’en paroissoit nulle trace.

Le charme n’exprimoit que les portraits de ceux qu’on avoit eus par goût. Elle étoit dans cet excès, lorsqu’on vint lui annoncer le Roi : ce Monarque venoit la chercher avec impatience ; elle fit une résistance qui, pour la premiere fois de sa vie, ne fut pas jouée. Une pudeur d’amour propre lui monta au visage ; elle se rappeloit que son époux avoit plus de curiosité que d’activité ; et c’étoit, dans le cas présent, tout ce qu’elle craignoit. Elle hésitoit, elle balbutioit, et le Roi crut qu’elle minaudoit ; ses désirs en redoublerent ; il lui donna la main, et