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point vous donner tant de peine ; je vous demande de ne pas sortir de votre place. Changeons de conversation, interrompit la Princesse, vous ne savez pas raisonner.

Madame, permettez-moi de vous faire encore une question. Je suppose que Potiron a dans ses jardins un grenadier ; ce grenadier ne porte qu’une grenade, dont il vous a confié la garde : je suis bien sûr que personne n’y touchera ; mais je poursuis mon raisonnement. Je suppose encore que cette grenade est enchantée, qu’elle reste toujours la même, et que l’on en peut détacher quelques grains sans en diminuer le nombre, et sans que la grenade perde rien de sa fraîcheur : votre meilleur ami se présente consumé d’altération, et vous tient ce discours d’une voix foible, mais touchante : Tricolore, Princesse aimable, Princesse bienfaisante, vous voyez mon état ; mon corps est desséché par une soif ardente, et près de succomber ; un grain, un seul grain de ce fruit délicieux arroseroit mon âme, et me rendroit à la vie ; le maître de cet arbre n’en pourra pas souffrir de préjudice ; il ne s’en appercevra seulement pas. Tricolore, que feriez-vous ? Tricolore baissa les yeux, rougit, parut chercher sa réponse et ne la pas trouver. Vous vous taisez, reprit le Prince : ah ! vous laisseriez mourir votre ami.