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déjà bel-esprit. Tricolore, Tricolore, ne vous occupez que de votre cœur.

Apparemment qu’il la pressa, car la Princesse lui dit avec vivacité : Monsieur, je vais sonner. Hé ! que ce ne soit que l’heure du Berger, repartit Discret de la façon la plus tendre. Non, non, j’ai trop dans mon cœur l’idée de la vertu. J’ai vu un temps, répondit le Prince, où j’y aurois du moins été en second. En prononçant ces mots, il jeta sur elle un regard expressif, et lui serra la main. Tricolore en fut émue, et se défendit ainsi : Ah ! Prince, mon cher Prince, laissez-moi donc, je vous prie. Le Prince ne la laissa point, mais lui donna un baiser convenable à la circonstance. C’en est trop, s’écria la Princesse, sortez, et ne revenez jamais. Le Prince fut anéanti, et dit en tremblant : Madame, je vous obéirai.

Il étoit dans l’anti-chambre, lorsque Tricolore, touchée de son état, se crut obligée de lui crier de loin : Prince, quand vous reverra-t-on ? Tout à l’heure, Madame, répliqua-t-il d’un air ressuscité. Mais Potiron entra, et Discret sortit, après lui avoir fait la révérence la plus respectueuse. Potiron crut que c’étoit pour lui ; un mari s’approprie les égards qu’on lui rend, et sa vanité est toujours de moitié avec sa femme, lorsqu’il s’agit de le tromper.