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CHAPITRE V

Où le Prince n’est pas gâté.


C’étoit un homme de cinq pieds six pouces, bien campé sur ses pieds, la jambe peut-être trop fournie, mais mieux cependant qu’une qui l’eût été moins ; des épaules larges et effacées, de belles dents, des yeux à fleur de tête, et un nez d’espérance. Je ne sais pas s’il avoit beaucoup d’esprit ; mais tout cela vaut mieux que de bons mots. Comme il étoit prévenu que la Fée Rusée venoit le consulter, il avoit pris son visage de Prophete ; il la salua légérement, et regarda le Prince comme un répondeur de mésses.

Seigneur, lui dit-elle respectueusement, votre réputation est si étendue, que j’ai cru devoir vous demander conseil. Vous savez mes bontés pour la Reine. Oui, reprit-il froidement, je suis instruit de tout ; le bonheur de votre fils est votre unique objet. Il est fort amoureux, cela est assez simple ; il veut se marier, cela est assez plat ; il veut que sa femme soit sage, cela est assez plaisant. Elle ne le sera donc pas, dit vivement le Prince ? Vous ou moi l’en empêcherons, repartit le