Page:Voisenon - Œuvres complètes, romans et contes, première partie, 1781.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée

y opposa ; le Roi insista ; la Reine répliqua ; l’aigreur se mit de la partie ; et le petit Prince, qui vraisemblablement avoit un bon caractere, mourut pour les mettre d’accord.

La Reine, qui vouloit renouveler la dispute, se détermina à avoir un autre garçon : elle en parla à ses amis ; elle devint grosse, elle en fut enchantée ; elle n’accoucha que d’une fille, elle en fut désespérée. On délibéra long-temps pour savoir comment on nommeroit cette petite Princesse. La Reine alors n’avoit que trois Amans, dont l’un étoit brun, l’autre blond, le troisieme châtain. Elle donna à sa fille le nom de Tricolore ; ce qui prouve que cette Majesté avoit une grande idée de la justice distributive. Le Roi, qui n’étoit pas un bon Roi, parce qu’il n’étoit qu’un bon homme, crut ouvrir un avis merveilleux, en proposant de conduire sa fille dans une maison de Vierges. La Reine le contraria, et dit qu’elle ne le vouloit pas, de peur que sa fille ne connût les ressources avant de connoître le plaisir. Le Monarque ne répondit rien, faute de comprendre. J’imagine qu’il ne fut pas le seul ; mais on vit sourire cinq ou six Courtisans, ce qui fit croire qu’ils y entendoient finesse. Il y a des sots qui sont heureux au rire ; le hasard les sert souvent comme des gens d’esprit.