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voile bienfaisant — se relève, il est rejeté bien loin. Et l’abîme nous apparaît — avec ses angoisses et ses ténèbres ; — il n’y a plus de barrière entre lui et nous ; voilà pourquoi la nuit est terrifiante. »


Telle est la vibration dominante sur cette harpe. Mais il y en a d’autres. Le livre de Tutchef, ai-je dit, est la résonance de toute sa vie, des passions de son cœur et de son esprit. L’enthousiasme slavophile prime ces dernières. On n’a pas impunément un prophète pour gendre ; on s’en ressent. De quelles exagérations candides le poète se grisait, on en jugera par les vers suivants, qui firent une fortune facile :


Géographie russe.

« Moscou, la ville de Pierre et la ville de Constantin, — voilà les capitales sacrées de l’empire russe. — Mais où sont ses limites et ses frontières, — au nord, à l’orient, au midi, au couchant ? — Dans les temps à venir, le destin les révélera.

« Sept mers intérieures et sept grands fleuves… — Du Nil à la Neva, de l’Elbe à la Chine, — du Volga à l’Euphrate, du Gange au Danube… — Voilà l’empire russe ; et il demeurera tout le long des siècles. — L’Esprit l’a prédit et Daniel l’a prophétisé. »