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la plus grande injure qu’on puisse leur faire, c’est de leur dire qu’ils ont assemblé des mots sans servir une idée. ― On estimera que le roman de Dostoïevsky est utile ou nuisible, selon qu’on tient pour ou contre la moralité des exécutions et des procès publics. La question est de même ordre : pour moi elle est résolue par la négative.


IV

Avec ce livre, le talent avait fini de monter. Il donnera encore de grands coups d’aile, mais en tournant dans un cercle de brouillards, dans un ciel toujours plus trouble, comme une immense chauve-souris au crépuscule. Dans l’Idiot, dans les Possédés et surtout dans les Frères Karamazof, les longueurs sont intolérables, l’action n’est plus qu’une broderie complaisante qui se prête à toutes les théories de l’auteur, et où il dessine tous les types rencontrés par lui ou imaginés dans l’enfer de sa fantaisie. C’est la Tentation de saint Antoine gravée par Callot ; le lecteur est assailli par une foule d’ombres chinoises qui tourbillonnent au travers du récit ; grands enfants sournois, bavards et curieux, occupés d’une inquisition perpétuelle dans l’âme d’autrui. Presque tout le roman se passe en conversations où deux bretteurs d’idées essayent mutuellement de s’arracher leurs secrets, avec des astuces de Peaux-Rouges. Le plus souvent, c’est le secret d’un dessein, d’un crime ou d’un amour ; alors