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midi.

grand’peine, je trouvai devant eux quelques phrases de politesse : je m’excusai sur l’heure du train et pris congé, en promettant de revenir. Le trouble où j’étais ne me permettait pas de poursuivre une conversation banale.

Je n’ai pas pris le train. Je suis revenu dans mon île, remué comme l’est aux soirs de tempête cette mer qui me portait.

… Que dois-je penser ? Est-ce une dévergondée, une malade, une pauvre folle détraquée par un chagrin secret, une imagination déséquilibrée par la lecture des romans ? La raison ne fournit pas d’autres explications. Sur mille hommes de sens rassis que je consulterais, pas un ne conclurait différemment. Ils hésiteraient, cependant, s’ils l’avaient vue, si simple, si vraie, s’ils avaient entendu ce cri sincère. Aucune des roueries que je connais bien ; et rien qui sentît l’impudeur, dans la douloureuse audace de cette enfant offrant son âme, sans songer à faire les réserves temporaires qu’elles font toutes pour leur corps. L’accent était si grave, si honnête, dans cette folie de passion, que je n’ai pas eu un instant les pensées qu’une pareille aventure autoriserait : accepter comme une fantaisie ce qui en avait toute l’apparence, prendre le plaisir