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jean d’agrève.

froid, elle parlait avec l’accent tranquille du juge qui lit les considérants d’une sentence et commente la loi souveraine. Je me débattais contre l’invraisemblable.

— Mais par quoi ai-je mérité à ce degré votre faveur ? Vous ne savez pas ce que je vaux, ni si je vaux quelque chose. Vous êtes belle, adulée, sans doute, courtisée par tous les jeunes gens qui vous entourent. Un inconnu, étranger à votre milieu, à la société de votre âge et de vos goûts, recevrait ce don inestimable ? Dites que vous ne vous jouez pas de moi !

— Oh ! non, mille fois non ; et vous le voyez assez ! Je ne puis expliquer ce que, j’ignore. Je pourrais vous donner, je me donne à moi-même quelques raisons. Je pourrais vous dire… Mais non, à quoi bon ? Encore une fois je ne sais pas pourquoi je vous appartiens toute, depuis longtemps : je sais seulement que je vous appartiens à jamais, si vous le voulez.

Et de nouveau, un élan intérieur la souleva, elle se pencha sur moi, avec son humble prière désespérée dans les yeux, dans toute sa personne offerte. La grille du jardin cria sur ses gonds : des visiteurs entrèrent. À