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midi.

voir vous joindre. Si vous n’étiez pas venu, je serais allée à vous. Je sais que je souffrirai par vous : tant mieux. Je n’ai pas vécu, je veux vivre, et par vous seul je puis vivre. Je le sais. Ne me demandez pas d’expliquer comment et pourquoi, je suis trop ignorante pour parler. Mais je le sais. Je me donne toute, pour toujours, vous le sentez bien. C’est à vous que je suis envoyée.

Elle me rappela alors les quelques rencontres dont j’avais un souvenir persistant et vague, semblable à l’image laissée dans l’œil par les météores qui sillonnèrent la nuit, retinrent un instant le regard, tandis que l’esprit occupé ailleurs n’accordait qu’une attention passagère à cette secousse nerveuse. Elle précisa les circonstances. Elle avait cherché, elle n’avait pas trouvé le moment et l’intermédiaire qui nous eussent rapprochés. D’autres fois, elle s’était inutilement rendue à des réunions où l’on m’attendait, où je n’avais point paru. Les menus faits qu’elle groupait et réveillait dans ma mémoire, la connaissance qu’elle montrait des moindres détails de ma vie, tout me prouvait sa véracité, son obstination à cette inexplicable poursuite.

L’étrange créature avait repris son sang-