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jean d’agrève.

jaillissaient du plus profond de l’être, de la première parcelle où s’éveilla notre première lueur de vie au sein de notre mère, ces mots tombèrent, effarés et suppliants :

— Aimez-moi. Voulez-vous ? Je vous attends depuis si longtemps !

Debout, palpitante, drapée dans sa robe blanche contre les cyprès, grand lys vivant érigé entre leurs fuseaux noirs, elle épiait ma réponse ; ses mains cherchaient les miennes, son regard, déchargé de la résolution qui l’avait enfiévré, implorait avec l’angoisse de la victime livrée au couteau.

Je ne sais trop ce que je balbutiai dans mon trouble ; des pauvretés banales et bêtes : protestations touchées, invitation à réfléchir ; elle ne me connaissait pas, je la ferais souffrir ; et je la suppliais avant tout de se remettre ; on pouvait l’apercevoir de la villa, dans ce jardin découvert.

— Qu’importe ? Le monde n’existe pas pour moi. M’aimerez-vous ? Tout ce qui n’est pas cela me laisse indifférente. Vous me jugerez mal, mon action est folle, on ne se livre pas ainsi à un inconnu. Vous n’êtes pas un inconnu. J’ai réfléchi ; plus que vous ne croyez : depuis deux ans je vous cherche, sans pou-