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midi.

tante pour moi : par instants, je croyais deviner chez elle l’inattention indulgente de l’auditeur sérieux qui entend le babil d’un enfant ; l’étonnement d’un poète absorbé dans la contemplation des étoiles, et qu’un pédant de collège questionnerait à ce moment sur les matières de l’examen scolaire. De plus en plus gêné, gagné par ce lourd silence, par le malaise et l’émotion du regard fixé sur moi, je hasardai quelques demandes maladroitement intimes, quelques allusions à ce qui pouvait occuper une pensée si détachée des intérêts mondains. Brusquement, une vague de détresse passa au fond des yeux que j’interrogeais : assombris de tout le courage rassemblé, ils jetèrent un aveu dans un éclair. Elle se leva. — Quoi qu’il arrive de nous dans la suite, je vivrais cent ans que je n’oublierais pas ce geste, ce lieu, cet instant.

Elle se leva, fit un pas vers moi, d’un mouvement somnambulique, un mouvement involontaire et doux où aboutissait toute la force de toutes les planètes attirées. Ses mains s’abattirent sur mes épaules, sa tête s’inclina, ses yeux éperdus versèrent toute son âme dans les miens ; et des lèvres rapprochées à toucher mon front, ces mots qui