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jean d’agrève.

bleue attirait et inquiétait comme celle du gouffre de mer qu’ils venaient de regarder. Il y avait sur toute cette physionomie une douceur égarée ; elle me donna une impression indéfinissable que je ne puis rendre, que vous avez tous ressentie au passage de certaines créatures : elle n’était pas là où elle était, elle venait d’un autre monde qu’elle portait partout avec elle.

La jeune femme s’avança vers nous d’un pas lent et rythmé ; avec je ne sais quoi d’automatique dans la grâce de sa démarche, l’impulsion d’une Force étrangère et supérieure, du vent dans le vol de l’oiseau. Elle s’arrêta, le buste haut, un fier mouvement du col en arrière, sa belle main distraitement posée sur le cristal de la boussole ; de l’aiguille bleuissante qui tremblait sous cette main, il semblait que le magnétisme passât à cette minute dans toutes ses veines. Et regardant bien en face celui à qui elle s’adressait :

— Amiral, je voudrais que vous me présentiez M. d’Agrève.

Ceci fut dit très sérieusement, très simplement, avec une volonté impérieuse sur le haut du visage, avec une petite supplication d’enfant sur les lèvres de la bouche si enfantine ;