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jean d’agrève.

départ, l’ombre du navire avait fait de lui un autre homme. Ressaisi par le pli de l’habitude, par la chaîne d’enchantements pareils que la magie du souvenir déroulait en lui, électrisé par la vibration universelle autour de nous, il avait dans le regard et dans toute sa personne le redressement d’avant le combat possible. Dans le sang qui lui venait au cœur, à cet instant, je crois bien qu’on eût trouvé toute l’effrayante fécondité de la mer. Il sauta sur la claire-voie, il gravit l’échelle, du pas d’un homme qui met le pied chez soi, un chez-soi de force et de joie. L’excellent amiral nous reçut à la coupée avec une cordiale bienvenue. Je ne l’avais pas revu depuis longtemps ; nous avions franchi ensemble plus d’une étroite passe diplomatique ; il me prit sous son bras pour deviser du temps jadis et de ce que j’allais faire en Égypte. — « Quant à d’Agrève, ajouta-t-il, je le laisse à ces dames : elles se languissent de lui, comme disent nos Provençaux. »

Une foule élégante se pressait sur le pont, entre les fleurs et les plantes vertes qui masquaient les tourelles : officiers accompagnés de leurs femmes et de leurs filles, oisifs et touristes venus de toutes les stations de la