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jean d’agrève.

littoral ; on sent pourtant l’Afrique plus proche, dans ces vallées où l’oranger, le palmier, le chêne-liège, le laurier-rose ne survivent que par quelques représentants, témoins des anciennes cultures abandonnées. Les palets épineux du figuier de Barbarie et les glaives de l’aloès font sentinelle autour des vergers, autour des vieux forts, dont les glacis disparaissent sous un manteau de sorcie, cette plante grasse que le peuple appelle patte de sorcière, et qui jette sur les murailles une si riche tenture de vert glauque et de fleurs vermeilles.

L’opulence de ce paradis terrestre, la douceur constante de la température, maintenue par l’haleine égale de la mer, la pureté de l’air et la splendeur de la lumière défient toute comparaison. On ne connaît à Port-Cros ni la froidure ni les chaleurs accablantes ; la gelée, la grêle, sont des phénomènes ignorés. Les plus mauvais temps du continent ne se font sentir dans l’île que par quelques rafales de mistral, par quelques rares jours de pluie au cours d’une année. Les arêtes de roche vive et les panaches des pins isolés qui dentellent les crêtes se profilent toujours sur le même azur, imbibé d’une clarté dorée ; le même