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jean d’agrève.

gentilhommière des hautes garigues. Sa famille, d’une ancienneté sans éclat, était attachée depuis des siècles à cette terre pauvre. Ce sont des pays de bonne race, disait-il, sève de Provence fortifiée de sève de montagne, gens solides et doux qui voient des chênes sur leurs têtes et des oliviers sous leurs pieds. La vieille souche, ensevelie dans ce pli de roches, y accumulait des forces que nul de ses rejetons n’avait encore dépensées au dehors. Jean tenait de son ascendance provençale une sensibilité de cœur et une vivacité d’esprit qui semblaient combattues, refrénées en lui par l’influence du sang maternel. Sa mère était une Bretonne du pays de Léon, fille d’une lignée de marins ; M. d’Agrève le père avait rencontré et épousé Mlle  de Kermaheuc durant un séjour à Toulon. J’attribuais au hasard de cette union les contrastes de mon ami, fait de brume et de lumière, de mélancolie et d’ardeur. Ses désirs et ses dégoûts de l’action, sa paresse méditative brusquement secouée par la recherche de l’aventure, les soudains abandons de confiance et de gaîté qui rompaient sa retenue farouche, tout en lui me donnait l’impression d’un chaud rayon de soleil brisé sous les vagues froides