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aube.

du collège Sainte-Barbe, où nous fîmes nos études ensemble. Je le retrouvai plus tard enseigne à bord du Château-Renault, le stationnaire que notre division du Levant détachait au Pirée ; j’étais moi-même alors secrétaire à la légation d’Athènes. Notre liaison d’enfance se resserra à cette époque ; elle a persisté, solide et confiante, jusqu’à la disparition de Jean.

Je le revois encore dans la division des petits, à Sainte-Barbe, ce nouveau qui avait attiré sur sa tête toute la hargne flottante dans une cour de collège. Il apportait à la vie commune le caractère qu’on y tolère le plus difficilement. Sauvage comme un merle, insociable et silencieux d’habitude, des élans subits d’expansion naïve le livraient sans défense à ses bourreaux. Les enfants d’abord, les hommes plus tard, s’acharnent d’instinct contre ces natures où ils devinent une force à briser, un cœur tendre à torturer. Dès le premier jour, nous fûmes tous ligués pour civiliser le Bédouin ; on lui donnait ce sobriquet parce qu’il nous arrivait de Bédouin, un petit bourg du Comtat accroché aux croupes méridionales du mont Ventoux.

D’Agrève avait grandi là, dans une morose