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jean d’agrève.

Je lui obéis ; mais, sous son inspiration, ce n’est plus un jugement que je porte : j’écris un acte de foi et d’amour.

Ah ! nous pourrions à la rigueur oublier tout ce qui a été ; nous ne l’oublierons jamais, cette journée de l’avril naissant qui nous fit naître à notre vraie vie.

Il avait été convenu que j’irais chercher Hélène avec ma barque. Bien longtemps avant l’aube, j’épiais l’aspect du ciel ; j’avais réveillé Savéû, je l’interrogeais sur les probabilités de la mer et du vent. Comme l’enfant qui demande dans sa prière la joie promise, je priais la mer, je priais le vent d’être cléments à mon espérance. S’ils barraient méchamment la route à la bien-aimée ! Savéû me rassurait : la journée serait belle. Plus que belle ; elle fut la première de notre précoce été. Quand le soleil bondit là-haut, sur la crête blancbe de la Vigie, quand ses rayons illuminèrent la vallée, il semblait un échappé des gênes de l’hiver, un ressuscité de printemps qui allait refondre le monde à sa flamme neuve et le recréer plus heureux. C’était un de ces matins gais qui restent dans le souvenir, même s’ils n’apportèrent point d’autre bonheur, gais