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midi.

quarts de nuit

Port-Cros, Mai 1883. — Je reprends ce cahier, puisqu’elle le veut. Je ne l’avais pas rouvert depuis six semaines. On n’écrit pas l’ineffable. Hier, mes paperasses sont tombées sous les yeux d’Hélène ; les chers despotes ont forcé le retrait intime où nul avant elle n’avait pénétré, où je me retranchais jadis pour juger froidement mes pensées, mes actions, mes égarements eux-mêmes.

— Continuez, a-t-elle dit en souriant, je le veux ; ce sera le miroir où je me verrai belle. Continuez, pour effacer là, pour noyer dans notre présent tout ce passé que je hais, parce qu’il ne fut pas à moi. Continuez, fixez nos souvenirs pour nos vieux jours : nous entasserons d’ici là tant de félicités que les dernières nées feront peut-être pâlir la mémoire des anciennes.

Elle dit « nos vieux jours » avec l’orgueil incrédule de ses vingt-cinq ans, sur le ton que l’on prend en parlant de la fin du monde. Ils me paraissent si proches, à moi qui l’ai trouvée trop tard !