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jean d’agrève.

et passe, insensible aux cris du naufragé. Tout me terrifie, parce que tout me menace, tout vous arrachera à moi qui suis si peu : la puissante mer, vos vaisseaux ravisseurs, et ces maudites dont les tendres souvenances vont vous ressaissir !

« Seule, votre île me rassure. Elle ferme l’horizon, toute bonne, toute belle. Je la pressentais amie, protectrice contre le monde, recéleuse de paix et de délices. Notre soleil se lève derrière ses forêts ; de là part chaque matin le coin de lumière qu’il enfonce dans la mer. Je l’aimais pour la splendeur de cet instant, l’île de l’aurore : je n’en puis déta­cher mes yeux, maintenant que son secret est le mien. Je rêve d’elle nuit et jour, je veux la connaître, je veux mon bonheur là, vous me l’avez promis.

« Tout m’est facile, je m’absente souvent seule pour de courtes excursions à Nice ou en Italie ; je prendrai prétexte d’un de ces voyages auxquels on est habitué ici. Un mot de vous, et au jour, au lieu que vous indiquerez, prête à vous suivre au bout du monde, vous la trouverez,

Votre hélène. »