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jean d’agrève.

étiez, le vent qui emportait mon âme et la détachait de tout. Il revient à cette heure dans mes cyprès, ce vent d’il y a dix ans, et c’est encore vous qui me l’envoyez. Il est frais et pur à boire comme une eau de montagne. Il vient de vous, car il me prend et me transporte.

« Lisez en moi à travers les mots. Je ne sais pas dire, j’ai honte et peine à vous parler. Toute réalisation par la parole m’effraye : elle emprisonne et mutile ma pensée ; je voudrais vous la donner tout entière, toute vive, à même la source du cœur. J’ai vécu jusqu’à ce jour dans le vague d’une tristesse innée, Le bonheur me désoriente ; il m’accable délicieusement, il ne me rend pas gaie. Mon âme douloureuse reflète mal la joie de mon amour, comme l’eau morte des grands étangs roux, là-bas, renvoie mal la lumière du ciel. Je voudrais être gaie : j’ai peur, ma noire folie va vous ennuyer.

« Elles vous ont habitué à l’amour spirituel et joyeux, n’est-ce pas ? Elles étaient vives, brillantes, changeantes ? Oh ! je les hais, ces femmes, pour ce qu’elles m’ont pris de votre passé, pour ce qu’elles me reprendront dans l’avenir, quand vous comparerez, quand