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midi.

blanc que le sillage du navire laisse dans les ténèbres, sous les cieux que vous connaissez, et sous d’autres dont les astres plus pâles ne vous virent jamais. Je la suppliais de se laisser prendre, la fugitive, j’ai cru la tenir à de courtes heures menteuses, comme nous croyons, aux parages brumeux, toucher des îles imaginaires qui ne sont que nuages et s’évanouissent. Ce n’était pas elle encore que mon erreur avait saisie, ce n’était pas vous ! Oh ! si c’est vous, cette fois, dites-le, mais que ce soit éternel ! Il est trop tard, je ne veux plus m’arrêter que là où je mourrai.

« Sinon, laissez-moi à ma raison désabusée. Je me tenais si assuré dans cette certitude, acquise par l’expérience : on ne l’atteint pas, l’insaisissable création de notre désir, elle se montre sur cette terre sans se donner, pour nous entraîner ailleurs où elle est peut-être. Hélène, n’essayons pas de réaliser l’idéal, si nous ne devons pas le réaliser tout entier. On vit tant bien que mal dans le renoncement à l’impossible ; on ne vit pas d’un mensonge. Ne me trompez pas, ne nous trompons pas. Mais si c’est vous, dites-le, et venez alors ; restez, éployez vos ailes à l’avant de ma pauvre barque, menez-la au bonheur, soyez