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jean d’agrève.

de ces catastrophes extérieures qui limitent notre personnalité sans l’entamer, ainsi lui apparaît le lien où elle est prise. Quand elle fait allusion à sa dépendance forcée, on dirait un infirme parlant du mal incurable dont il doit mourir, résigné à le supporter, mais ne concevant pas que le fléau crée une obligation et enchaîne la libre volonté, demeurée entière dans le corps paralysé.

— Oui, disait-elle hier, je viens à vous de tout moi, sans plus d’hésitation ni de remords que l’eau précipitée sur cette pente, quand elle abandonne le bassin où elle fut emprisonnée un instant, quand elle court à la mer où elle doit se perdre. Je vais de même me perdre en vous : pouvons-nous faire autrement, cette eau et moi ?

Sa pensée, accablée par le poids du sort hostile, se tourne souvent vers la mort libératrice. Rien de tragique, d’ailleurs, rien de lugubre, nulle emphase et nulle colère dans cette aspiration passionnée. Cesser d’être ce qu’elle est pour se mêler plus intimement à la nature qu’elle adore, pour s’y dissoudre et s’y retrouver avec d’autres éléments, ce rêve lui est aussi familier, aussi délicieux que pourrait l’être à d’autres le plus doux songe