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midi.

faisiez partie de la mission militaire envoyée aux funérailles de l’empereur assassiné. Vous êtes venu un soir dans une maison russe où je me trouvais. Je vous entends encore racontant le drame, peignant les scènes tragiques dont la grandeur passait dans vos paroles ; je vous écoutais, mon indifférence habituelle m’avait quittée. Vous compreniez tout ; j’aimais votre façon de regarder dans cette tombe, vous saviez si bien les choses de la mort, auxquelles je songe souvent. Vous ne m’avez pas aperçue, ce soir-là ; je ne vous en voulus pas, vous suiviez votre pensée, elle était plus grande et plus belle que moi. De ces journées émouvantes, je n’emportai qu’un souvenir : vous, votre personne, votre voix. Un de vos camarades, ami intime de ma famille, nous parla de vous ; tout ce qu’il racontait est gravé dans ma mémoire.

« Depuis, je vous ai vu, entendu de loin, durant mes courts séjours à Paris, dans les salons où nous nous sommes croisés, à l’exposition de peinture, à l’Opéra. Vous aviez l’air d’être comme les autres dans ce monde léger, et je sentais bien, moi, que vous n’étiez pas comme les autres ; tout ce que vous disiez était selon mon cœur. Vos moindres mou-