bien reçus et nourris dans les villages. Le plus souvent nous couchions dans les bois où nous avions marché tout le jour ; il aimait à demeurer ainsi seul parmi les chênes : il avait coutume de dire que la forêt est une foule, pleine d’âmes diverses, qu’il y a autant de vie cachée et de vie meilleure dans la multitude des arbres que dans les réunions d’hommes. L’hiver, nous rentrions dans les villes, à Trébizonde, à Tébriz ; le maître allait au khân attendre les voyageurs ; tout en préparant les marchés de graines pour le printemps, il apprenait d’eux comment les gens des pays lointains se gouvernent, comment ils adorent Dieu chacun à sa manière. Je m’étonnais parfois de le voir tomber d’accord avec les mollahs, même avec les païens de Perse, qui adorent le feu ; il expliquait que les différentes lois sont faites pour des âmes différentes, et que toutes sont bonnes quand on les suit avec vérité et simplicité. Je crois vraiment que, si j’étais resté plus longtemps près de cet homme sage, j’aurais appris à penser comme vous autres gens d’Europe ; mais il en était ordonné autrement.
Le second été que nous passâmes ensemble, mon maître résolut d’aller travailler dans la province de Brousse ; on disait que les graines y étaient belles cette année-là. Nous descendîmes dans l’intérieur par Sivas et Angorah. A Yéni-Chéir, nos hôtes grecs voulurent nous retenir en nous prévenant que les passages du mont Olympe étai