du grand Méhémet-Ali. En montant à bord, Ibrahim parla avec bonté à chacun de nous : ayant appris que j’étais Syrien, il s’approcha de moi et me demanda, avec un intérêt que je ne m’expliquais pas, des détails sur le pays. Je fus amené ainsi à lui conter mon histoire. Quand j’arrivai à mon séjour chez Ali de Tépélen, le prince s’assit sur le bordage, son œil brilla, et il me retint deux heures de nuit à lui répéter tout ce que je savais du pacha de Janina. Cela continua ainsi presque chaque soir : à l’heure où l’on amarrait la dahabieh à un tronc de palmier pour attendre l’aube, Ibrahim faisait apporter son tapis et sa pipe à l’arrière du pont, m’appelait auprès de lui, et me commandait gracieusement, comme il savait le faire, de lui conter des histoires de la guerre de Morée ou de lui parler des villes de la côte de Syrie. Quand nous fûmes de retour à Louqsor, j’entendis avec joie le pacha dire à mon maître :
« Combien ton réïs ?
― Cent talaris.
― Les voilà, je le prends. »
Et jetant une bourse, Ibrahim m’emmena avec lui.
Nous débarquâmes au Grand-Caire, un matin, comme le brouillard se repliait sur le fleuve, la ville bâtie par les génies en sortait toute dorée, remplissant le ciel de dômes et de minarets. Moi qui n’avais encore vu que les pauvres villes de Syrie et