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dans mon bataillon. Je vous fais grâce du récit de notre campagne jusqu’à Bayazed ; il vous suffira de savoir que nous comptions dans une des compagnies abandonnées là par l’armée en retraite.

Représentez-vous une petite citadelle à demi ruinée, posée sur une étroite corniche, au flanc d’une paroi de rocher, en face du mont Ararat ; les crêtes des montagnes dominent la place de tous les côtés. Le 6 juin au matin, nous vîmes ces crêtes se couronner de tirailleurs, puis de cavaliers et de canons ; c’était l’armée turque qui prenait position sur ces hauteurs, d’où son feu plongeait dans nos retranchements. Le gros village de Kurdes et d’Arméniens, d’où nous tirions nos subsistances, était tassé dans la vallée, sur les pentes du mamelon de Bayazed. À la nuit, une nappe de flammes couvrit ce village ; les Kurdes, excités par l’