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semées sans y penser, puis perdues, comme les mouettes sur la mer, les oiseaux inutiles, seuls, qui ne se posent jamais. L’oncle Fédia tournait dans les villages ; quatre ou cinq fois par an, on le voyait reparaître avec sa télègue, son petit cheval maigre et sa balle rebondie.

On ne l’aimait pas. D’abord il faisait un métier que les chrétiens abandonnent d’ordinaire aux bohémiens et aux juifs ; avec sa casquette plate, sa longue pelisse de renard en lambeaux, sa mine craintive de chien battu, il ressemblait à un vaurien de grande route bien plus qu’à un honnête paysan russe, qui se présente convenablement, en bonnet, en touloupe de mouton, l’œil franc et le rire aux lèvres. En outre, les villageois soupçonnaient le vieux colporteur de jeter des sorts ; on dit que tous ces gens ambulants sont coutumiers de la chose.