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laisse la pensée intacte ; celle-ci se dépense dans le vide, le cerveau devient une machine qui chauffe sur place et produit de la force perdue, l’appareil de transmission s’étant brisé.

Michaïl Dmitritch avait alors hérité de ce domaine éloigné et s’y était retiré. Il y faisait un peu d’agronomie, sans grandes illusions sur les résultats de ce passe-temps. Il s’adonnait à l’étude des questions économiques, c’est-à-dire qu’il les mûrissait en fumant sa pipe et en discutant des soirées entières avec le maréchal de noblesse ou avec le juge de paix. Le premier étant un réactionnaire féroce et le second un rouge avéré, Michaïl Dmitritch possédait sur chaque question une solution autoritaire et une solution libérale qui prévalaient à tour de rôle dans son esprit, suivant l’interlocuteur rencontré la veille. Quand il était trop