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quelques minutes d’hésitation, je jetai brusquement la fine polonaise sur mes épaules et je sortis. Ce fut une sensation sans précédent, qui tenait du bain parfumé, de la tiédeur du lit, du souffle des brises d’avril, de la commotion d’une pile électrique. Une félicité toute nouvelle me pénétrait jusqu’au fond de mon être. L’intendant grelottait et je ne sentais pas le froid. Je m’attardai longtemps au bois ; il me semblait que j’allais quitter le meilleur de moi-même en rentrant. Le pli était pris : les jours suivants, même quand le temps se remit au beau, je ne quittais plus la bienheureuse pelisse. Mes courses, auparavant hâtives et maussades, m’étaient devenues délicieuses. Dès que je revêtais le manteau enchanté, ma triste personnalité m’abandonnait, je sentais qu’une personnalité étrangère se substituait insensiblement à elle. C’était l’