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voix formidable couvrira les vôtres et l’on n’entendra plus qu’elle dans le monde.

— Heureusement pour nous, répliquai-je, il y a bien des chances pour qu’en cherchant leur air et avant de l’avoir trouvé, les musiciens cassent leur violon.

— Bah ! conclut Michaïl Dmitritch, les morceaux en seront bons.

Déjà loin, sur la route où la nuit tombait, le traîneau du mort fuyait avec les répons du psaume assourdis par la neige. Sur la blancheur confuse, on ne distinguait plus que la chape noire du prêtre et la haute croix d’or : elles s’évanouirent à l’horizon, les voix graves expirèrent. La solitude russe retrouva son silence et son immobilité.

Alors le petit boiteux, enhardi, préluda sur son violon et reprit à mi-voix la chanson de Pétrouchka.