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de dix à quinze familles, je vis en un mois mon village s’évanouir sur la route du Sud.

— Depuis lors, plus de nouvelles : les premières semaines, quelques récits contradictoires d’allants et venants ; qui avaient rencontré le lamentable convoi campé dans les champs, arrêté par les rivières débordées et les routes défoncées ; ensuite, plus rien. Fondue, cette poignée d’hommes, perdue dans la vaste Russie, dans ces espaces redoutables que le chemin de fer met trois jours à franchir. Leur voyage a dû être quelque chose comme l’exode des Hébreux dans le désert, avec la manne et les cailles en moins. Et dire que cette immense patrie des inquiets, cette terre d’errants, est sillonnée en tous sens par des bandes semblables, des vols de pauvres âmes en quête de l’endroit « où l’on est mieux » ! C’est la contre-