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reconnaître que, passé un certain degré de désespérance et de révolte, l’homme sent naturellement le besoin de détruire, d’exterminer une part, si minime soit-elle, de cet univers qui accable son cœur et outrage sa raison. C’est le suprême recours de son impuissance, anéantir quelque chose. Seulement, nous différions sur un point : je soutenais que le premier mouvement est de se détruire soi-même, que tout individu a été prêt à le faire dans un moment donné de sa vie. Lui prétendait que l’instinct de la conservation rend cet acte extrêmement difficile et qu’il est beaucoup plus facile de tuer un autre ; il en donnait pour preuve le nombre des meurtres, bien supérieur à celui des suicides, et l’exemple de ces soldats qui tuent gaiement. – C’est possible ; il y a là, en tout cas, une différence de tempérament. Moi, je crois bien que si j’étais soldat et placé dans cette