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indifférence. Nous sommes bien revenus sur leur compte. Nos soldats sont admirables d’héroïsme, mais rien n’est plus révoltant pour la raison que cet héroïsme inutile.

J’éprouve la sensation d’horreur morale et physique qu’on ressentirait en voyant un fou égorger sans motifs, à l’aveugle, les gens bien portants qui l’entourent. Personne n’arrive à comprendre la marche et le but des opérations ; leur seul résultat évident, c’est cette longue file de charrettes qui déverse chaque soir des blessés à l’ambulance. Je vis au milieu des gémissements, des tortures et de la mort. Je ne vois que plaies brûlantes, visages convulsés par la fièvre, monceaux de corps mutilés et cœurs en détresse… Et pourquoi, tout cela ? Pourquoi ?…