Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des parties repoussées en saillie ou découpées en creux, qui avaient dû être, durant la saison vivante, des bois, des collines, des rivières, des étangs. Maintenant, ces accidents de la terre n’avaient ni formes ni couleurs ; on les devinait, vagues, perdus, sous le linceul uniforme. Ce monde glacé me rappelait le désert d’Égypte, il en avait ! le silence, la solitude, l’éclat et l’immobilité : de la neige au lieu de sable, c’était la seule différence. Le désert d’Afrique, vieilli, refroidi et blanchi, aura peut-être cet aspect au déclin des siècles.

Nous entrâmes dans la forêt. La neige avait percé et comblé ses plus profondes retraites, les parties basses étaient sourdes et pâles ; sur nos têtes, la lumière se jouait dans une voûte de cristal. Chaque sapin, chaque bouleau semblait taillé dans un diamant géant et s’achevait là-haut en une flamme rose.