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tour du phénomène, n’en voient qu’un côté, et ceux-là de disputer : « C’est un merisier, crient les uns. – C’est un prunier », répliquent les autres. Nous voici ramenés à cette fameuse question du nihilisme, sur laquelle on a tant déraisonné.

Le nihilisme, c’est cela et ce n’est que cela : le produit des idées modernes greffées à la hâte sur le tronc russe. Un hasard d’éducation, de fortune, tire brusquement Fédia ou Pétrouchka de son milieu naturel, de son indolence de pensée, lui infusant tout d’un trait la science nouvelle, l’orgueil de la raison avec son besoin de liberté ou de révolte : prenez le mot que vous voudrez, je ne préjuge pas. L’esprit de mon paysan est changé, mais non pas son âme et ses instincts, qui résistent plus longtemps. Dans ce cerveau où vous avez logé vos spéculations hardies, le sang vigoureux du