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Je l’ai un pen perdu de vue durant ces dernières années. Les périodiques russes m’apportaient les petits poèmes qu’il continuait de leur donner ; il s’y montrait poète habile, tour à tour sentimental, ironique, religieux, comme dans ces vers :

 
O Russie ! Dans ta haute prévoyance
Tu es occupée d’une fière pensée ;
Mais quel Orient veux-tu être :
Celui de Xerxès ou celui du Christ ?


Il avait entrepris une traduction avec commentaire des Saintes Écritures. Des articles, des livres nombreux attestaient son grand labeur métaphysique ; il les publiait sous des titres volontairement énigmatiques et légèrement provocants pour le commun des philosophes : la Justification du bien, la Justification de la Vérité, Histoire et avenir de la théocratie. Ces titres fleuraient un parfum du moyen âge, comme leur inventeur, si moderne par d’autres côtés. Mais qui nous dit qu’ils n’étaient pas modernes, au sens enflé que nous donnons à ce mot, les docteurs auxquels Solovief m’a fait penser tant de fois : le Docteur subtil, Jean Scot ; le Docteur illuminé, Raymond Lulle ; et surtout cet Abélard, comme lui séduisant,