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avec conviction de l’attrait qui le portait vers l’Église catholique, quelqu’un se hasarda à lui demander : « Pourquoi donc n’y venez-vous pas ? – Jamais, s’écria-t-il ; je n’aurais plus aucune action sur mes compatriotes. – Cependant, votre salut individuel ... – Eh ! qu’importe mon salut individuel ? C’est au salut collectif de ses frères qu’il faut penser. » – Parole bien russe, où se découvrait le mobile de conduite commun au croyant et au nihiliste, le sacrifice joyeux de l’individu à la collectivité, jusque par-delà le tombeau. Comme il s’apprêtait à repartir pour Pétersbourg afin d’y poursuivre sa propagande, il fut averti que le Saint-Synode ne tolérerait pas cet apostolat. Des avis sûrs lui parvinrent : l’autorité ecclésiastique avait résolu de le faire interner dans un couvent du Arkangel, où les hérésiarques ont le loisir de réfléchir, longtemps, avec peu d’agrément. Nous l’engagions à différer son départ. – « Non, répondit-il ; si je veux que mes idées se répandent, ne dois-je pas aller témoigner pour elles ? » – Et il partit. Des amis éclairés et influents s’entremirent : on eut la sagesse de ne pas inquiéter le doux apôtre.