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Moscou : Katkof l’envoyait à l’armée en cette qualité. Nous demandâmes à Vladimir Serguiévitch s’il possédait tous les sacrements requis pour se faire accepter à l’état-major, chose alors malaisée aux correspondants de journaux. Il avoua qu’il n’avait aucun papier, qu’il n’y avait pas pensé ; mais il s’était procuré un revolver. A la portière du wagon, il continuait son éclat de rire enfantin, il agitait d’une main un énorme bouquet de roses, de l’autre le gros revolver qu’il maniait avec une gaucherie inquiétante pour lui seul : engin bizarre entre les doigts de cet être abstrait, qui n’êut pas fait de mal à une mouche. Il s’en alla dans son rêve, philosophant, disant des vers. Je crois qu’il ne dépassa jamais Bukarest.

Les personnes d’imagination paisible vont croire que je parle d’un fou. Qu’elles attendent. L’homme est un animal étrange, l’homme russe en est un doublement étrange. Deux ans plus tard, Solovief montait dans une chaire de philosophie à l’Université de Pétersbourg. C’était au plus fort de ce bouillonnement d’idées qui suivit la guerre émancipatrice et les réformes libérales.