Page:Vogüé-Sous l'horizon hommes et choses d'hier-1904.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses écrits d’un abord difficile. Philosophe, théologien, poète, Solovief fut tout cela, et pourtant ces qualifications le définissent mal : nous le replacerons mieux dans sa lignée en l’appelant un docteur, au sens que prenait ce mot quand on en décorait les grands scolastiques du moyen âge.

Fils de l’historien national Serge Solovief, ses origines, son éducation, ses relations habituelles le rattachaient étroitement aux cercles slavophiles de Moscou, aux traditions de la plus pure orthodoxie. Il étonna ses amis par une volte-face inattendue. Reprenant les thèses développées en 1830 dans la fameuse Lettre philosophique de Tchaadaïef, Vladimir Serguiévitch se posa en champion du cosmopolitisme intellectuel ; il déclara la guerre au particularisme slave, il prêcha la fusion avec la civilisation européenne dans tous les ordres d’idées, même sur le terrain religieux. Contraste d’autant plus piquant que ce jeune avocat de l’Occident incarnait le vieux type russe dans ce qu’il a de plus caractéristique ; son tour d’intelligence, ses habitudes d’esprit et de corps., l’air de son visage, tout en lui datait de l’antique Moscou d’avant Pierre le Grand.